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Message par Lilith Jeu 19 Mar - 21:33

L’île de Bretagne m’a directement séduite. Ce grand ciel gris qui accueillit mon arrivée aurait paru morne et triste à quiconque, mais pas à moi. En réalité, il en aurait fallu vraiment beaucoup pour entamer mon humeur incorrigiblement joyeuse.
Après quelques jours passés à chevaucher l’écume avec jubilation, j’avais fini par apercevoir les rivages vert-de-gris de la Bretagne. Je la savais habitée par les Saxons, qui avaient semé leurs royaumes au sud de l’île. Mais, sinon cela, cette terre m’était totalement inconnue.
Je ne ralliai pas le rivage tout de suite. Il y avait trop de monde à l’endroit le plus proche, aussi longeai-je la côte un petit moment.
Il était aux alentours de midi, et plusieurs barques de pêcheurs encombraient les plages. Je zigzaguais avec aisance sous les embarcations, attentive à n’effleurer aucun filet, quand soudain un cri strident résonna jusque sous la surface :
- Emilia !
Parmi les nombreuses présences que je sentais autour de moi, l’une se fit brusquement plus marquée. Une ? Pas exactement. Je dirigeai mon regard dans la bonne direction : une jeune femme était tombée de son bateau et se débattait contre la mer, avec les gestes désespérés de ceux qui ne savent pas nager.
Je m’approchai doucement. Mon sixième sens ne m’avait pas trahi : au vu du renflement de son ventre, elle était enceinte. Et en train de se noyer.
Je me souviens ne pas avoir directement foncé à son secours. Les dix ans d’enseignement de charité des Bénédictines de la Forêt Noire étaient loin derrière moi, et je n’avais pour le moment d’humain que l’apparence… et le cœur amoureux. Ce qui m’a décidée, c’était précisément cela : que quelque part, à cette jeune femme en détresse correspondait un amant.
Je me glissai derrière elle et la saisis par les épaules pour hisser sa tête hors de l’eau. Non loin, sur une barque isolée, un homme faisait des grands signes désespérés. Sa panique devint stupéfaction lorsqu’il m’aperçut. Je me dirigeai vers lui en ménageant le plus possible la jeune Emilia. Avec l’aide du jeune homme, je l’aidai à remonter à bord. Puis, lorsqu’à son tour elle me tendit la main, je restai un moment sans comprendre.
- Montez !
Je me giflai mentalement et saisis la main des jeunes gens.
Lorsque nous fûmes tous à bord, et qu’on se fut assuré qu’Emilia n’avait rien, les deux jeunes gens se tournèrent vers moi, resplendissant de reconnaissance.
- Vous avez sauvé la vie d’Emilia, mademoiselle... nous ne vous remercierons jamais assez ! En plus, elle attend un enfant depuis quatre lunes. C’est…
- Je vous en prie, répondis-je, un peu gênée.
J’avisai les vêtements trempés que je portais : non seulement c’était des vêtements d’hommes, mais en plus le cuir et la fourrure avaient pâti à cause du sel et de l’eau. Il faudrait que je me trouve une excuse, très vite, pour expliquer mon état.
Heureusement, ils ne me posèrent pas de question. Emilia me serra dans ses bras, et, pendant cette étreinte, je songeai à ce que je venais de faire : de donner un sursis à deux vies sur le point de disparaître, comme on interpose sa main entre une flamme et le vent. Les paroles de Samaël me revinrent, empreintes d’un sens nouveau : « c’est une joie profonde et vibrante pour moi que de les aider, à ma façon, à gagner du terrain. »
Je souris. Je venais de décider à quoi j’occuperais mes cent prochaines années : il était temps que je me rapproche des hommes.
- Je crois savoir comment vous pourriez me remercier. Je meurs de faim !
*
Je dînai en compagnie d’Emilia et de Joan, son mari, dans un petit village côtier. A ma demande, le couple me décrivit la région environnante et le meilleur moyen de rallier la route vers le Nord.
Emilia insista pour que je passe la nuit chez eux, avec tant d’acharnement que je ne pus qu’accepter. Et, lorsque je leur annonçai mon départ le lendemain, elle me prit la main et m’emmena à l’écart de la maison, avec un air de conspiratrice :
- Au cours de votre chemin vers l’Irlande, attendez d’avoir dépassé Lancaster avant de bifurquer à l’ouest, chuchota-t-elle, plantant son regard émeraude dans le mien.
Je la fixai sans comprendre.
- J’ai bien compris que vous étiez une sorcière, murmura-t-elle, si bas que je lus le dernier mot sur ses lèvres plus que je ne l’entendis. Les Continentaux vous recherchent, n’est-ce pas ? c’est pour cela que vous avez fui.
J’hésitai une fraction de seconde avant de hocher la tête. Après tout, elle n’était pas si éloignée de la réalité, et ses conseils étaient certainement bons à suivre dans mon cas.
- Vous ne serez pas en sécurité en Bretagne non plus. Notre peuple vous voit comme des esprits de la mort, qui enlèvent les enfants la nuit pour les sacrifier sur l’autel de vos déesses sanguinaires. Mais je vous ai bien vue, vous n’êtes pas de celles-là. S’ils tombent sur vous, ils n’hésiteront pas à vous tuer. Tant que vous êtes au Sud de Lancaster, vous serez en danger. Au-delà, les druides pourront vous venir en aide.
- Les druides ?
- Il y en a quelques uns en Bretagne, mais la plupart sont en Irlande. Ils protègent les gens de votre race, et tous ceux que les hommes menacent. Ils sont les grands conseillers des peuples celtes. S’il y a un endroit où vous serez en sécurité, c’est bien auprès d’eux.
Elle me sourit, et, étrangement, je sentis un peu de sa chaleur humaine et de sa sympathie m’envahir.
- Merci encore de m’avoir sauvée. J’espère que vous parviendrez saine et sauve en Irlande.
Elle m’embrassa chaleureusement, me fit un signe de la main, puis retourna auprès de Joan. Je la regardai encore un moment, puis me retournai et commençai ma route vers le nord.
Depuis, en Bretagne, on me connut uniquement sous le nom d’Emilia.

Lilith

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Message par Lilith Dim 22 Mar - 12:59

Au cours de mon chemin en Bretagne, je sauvai trois nouvelles vies.
Le premier s'appelait Iran. Je n'entendis d'abord qu'un cri aigu, qui aurait pu provenir d'un animal s'il ne s'était achevé par un "Au secours !" indubitablement humain. Je me précipitai.
Un homme surgit devant moi, courant à toutes jambes pour semer le gigantesque ours à ses trousses. Mon sang ne fit qu'un tour ; je projetai une lance de glace pour ralentir l'animal, et le manquai, mais il réalisa ma présence et chargea dans ma direction. A l'ultime seconde, je me dématérialisai, et il ne traversa que des lambeaux de brume avant de s'assommer contre un arbre.
Je rejoins l'homme, plié en deux pour récupérer son souffle un peu plus loin. Il me fixait de son regard noisette comme s'il avait vu le diable.
- Vous allez bien ? lui demandai-je.
Le souffle encore trop court pour parler, il hocha la tête. Je saisis ma gourde de peau, au fond de mon sac de voyage, et la lui tendis. Il but avidement, le visage rouge. Puis me la tendit. Je refermai la main dessus mais il ne lâcha pas tout de suite prise.
- Qui êtes vous ? demanda-t-il.
- Est-ce important ?
Il me fixa un long moment avant de hocher la tête.
- Je veux savoir le nom de celle qui me permettra de rentrer chez moi ce soir, et de retrouver mes frères.
Je lui souris.
- Emilia.
- D'où venez-vous?
Sa question me prit au dépourvu. Je soufflai, indécise :
- De loin.
Il eut un regard rieur.
- De loin ?C'est quoi, loin ?
- Vous ne connaissez pas.
Il haussa les épaules.
- Comment vous appelle-t-on, là-bas ?
J'eus un sourire distrait.
- Le seul surnom affectueux que l'on m'ait jamais donné, c'est "cadette". Dans ma langue, on le prononce "Annessima"
- Très bien. Alors sachez, Emilia Annessima, que la porte d'Iran, fils d'Adam, de la Clairière de l'Ouest, vous sera toujours ouverte.

Deux jours plus tard, je vins au secours d'une fillette, Golwyn, en éteignant un incendie dans une maison où elle s'était retrouvée coincée. L'effort me laissa épuisée durant deux jours.

Enfin, un peu avant de rejoindre Lancaster, je sauvai une Sorcière.
Je m'apprêtai à faire halte dans l'auberge d'une bourgade solitaire, à la tombée de la nuit, quand je vis des hommes sortir des masures, lances et torches enflammées à la main. Des cris de guerre et de colère résonnèrent dans le silence vespéral. Je levai le nez de mon repas et interrogeai les autres du regard.
- C'est le troisième soir qu'ils font ça, soupira le tavernier. depuis que Mérova, la fille du chef, a disparu, ils sont tous sur le qui-vive. La rumeur court qu'il y aurait une sorcière derrière tout ça...
J'écarquillai les yeux.
- Une sorcière ? Une vraie ?
Je pris un air effaré. Fier de son effet, le tenancier continua :
- Ouaip. En plus, ça fait deux nuits que les animaux ne tiennent plus en place. C'est surement lié, si vous voulez mon avis...
Je me levai, sans réfléchir. Tous les regards des clients se braquèrent sur moi. Mes joues s'empourprèrent, mais je m'étais lancée. Je posai une poignée de pièces sur le comptoir et je quittai l'endroit.

Trouver la sorcière ne fut pas difficile. Une fois dans la forêt, j'interrogeai les animaux qui me guidèrent jusqu'à une falaise escarpée, qui se dressait, imposante, sur plus de dix mètres de hauteur. Tout était calme... jusqu'à ce qu'un son, plus ténu que les battements de mon cœur, résonne au loin. Un sanglot.
Je m'approchai en silence, attentive à ne faire craquer aucune branche sous mes pas. Lorsque, enfin, mon sixième sens perçut deux présences, devant moi, je redoublai de prudence. Lorsque je distinguai des formes humaines, je me cachai derrière un arbre et observai. L'obscurité, accentuée par un nuage qui cachait la lune, était presque totale.
La première silhouette, incontestablement celle d'un enfant, était allongée au sol, et l'autre était penchée sur elle. L'enfant gémissait et remuait comme si elle faisait un cauchemar particulièrement convaincant de réalité. Comme ses cris étaient de plus en plus forts, je m'autorisai à me rapprocher.
L'autre personne était une femme. Ses longs cheveux blonds masquaient son visage comme elle était penchée sur l'enfant. Je l'entendais murmurer dans une langue qui m'était étrangère, comme si elle chantait quelque chose.
Soudain, le nuage quitta la lune, et la scène s'éclaira. Avec horreur, je reconnus un athamé dans la main de la femme. Son incantation se fit plus pressante, plus insistante, alors que l'enfant gémissait de plus belle. Tout-à-coup, elle leva son arme, et la lame brilla sous l'éclat de la lune, avant de plonger dans le cœur de l'enfant. Celui-ci hurla une ultime fois, d'un cri qui n'avait plus rien d'humain ; le petit corps se convulsa affreusement avant de s'immobiliser, définitivement inerte.
Je ne pus retenir un cri d'effroi. Instantanément, la femme tourna son regard dans ma direction. Son haut et ses avant-bras étaient maculés de sang, et elle venait de tuer une enfant sans hésiter un seul instant, mais, dès que ses yeux croisèrent les miens, je sus qu'elle n'était pas maléfique. Son visage, encadré par une crinière blonde qui, sous les rayons de la lune, paraissait blanche, était avenant, éclairé par de magnifiques yeux violets.
- Qui va là ?
Après une seconde à peine d'hésitation, je m'avançai, les mains en évidence pour lui montrer que je ne lui voulais aucun mal.
- Je m'appelle Lilith, déclarai-je, sans songer un instant à lui mentir. Tu n'as rien à craindre de moi.
La jeune femme me considéra un instant, indécise.
- Sorcière ? demanda-t-elle avec toute la douceur du monde dans sa voix.
- Non. Mais je suis une Surnaturelle. Comme toi.
Elle ouvrit la bouche pour répondre, puis son regard fut attiré par quelque chose derrière moi. Affolée, elle s'écria :
- Attention !
Par réflexe, je me dématérialisai. Une flèche me traversa une fraction de seconde plus tard. La jeune femme l'esquiva juste à temps, et le trait laissa une marque sanglante sur son visage. Je n'eus pas besoin de me retourner pour savoir qui était le tireur : des cris sauvages déchirèrent la nuit, emplis de haine et de vengeance.
- Cours ! s'écria-t-elle en joignant le geste à la parole.
Laissant là le corps de l'enfant, nous détalâmes dans les bois.

Mais les chasseurs de Sorcières étaient partout. Courant vers ce que nous croyions être le nord, et donc loin des villageois, nous commencions à les semer quand, soudain, la Sorcière trébucha sur un piège de chasse et s'affala de tout son long, sans pouvoir retenir un cri. Je m'arrêtai net, et me retournai. Les torches s'agglutinaient vers nous, de toutes parts. Nous étions cernées, et épuisées.
Tandis que la jeune femme se relevait avec peine, la cuisse droite perforée par le piège, je fermai les yeux et m'efforçai de me concentrer. Une idée. Il nous fallait une idée...
Lorsque mes sens se furent enfin calmés, je perçus distinctement le glougloutement d'une rivière, à une cinquantaine de mètres de là. Pas encore de chasseurs entre elle et nous. C'était maintenant ou jamais.
- Tu peux marcher?
- Je ne sais pas... certainement pas courir, gémit-elle.
- Alors couvre-moi. Et fais moi confiance.
Je n'avais pas la force de la porter, encore moins de courir avec elle sur mon dos.
Je fléchis les genoux et posai ma paume droite contre le sol. Les yeux clos, indifférente aux sons et aux présences qui se bousculaient à la lisière de mon esprit, je me concentrai sur ce simple contact entre la terre et ma main. Je suis une Surnaturelle. Je sais ordonner à la nature de m'obéir, ne serait-ce que pour une poignée de secondes... Je m'imaginai l'hiver. La neige recouvrant les branches des arbres. Le froid et la brume qui enveloppent toute âme qui vit, tout cœur qui bat. Et, auprès des rivières, l'humidité qui transforme la neige en glace. En glace...
Le gel naquit de ma paume et se propagea à une vitesse folle le long du sol. Je vis chaque brin d'herbe, autour de moi, se recouvrir d'une fine pellicule de glace. Il me fallait plus que cela. La glace devint épaisse, changeant le sol en une immense plaque de verglas. Cela ferait l'affaire.
- Viens !
Je saisis la main de mon alliée et l'entrainai avec moi.
Pendant quelques battements de cœur, nous glissâmes à une vitesse folle vers la rivière. Les chasseurs poussaient des exclamations affolées, stupéfaits de voir qu'ils avaient vraiment affaire à des Surnaturelles.
La rivière nous accueillit enfin, et je sentis, malgré tout l'affolement, mon corps entier se détendre. Mes membres tremblaient à cause de l'effort que j'avais dû fournir, mais je me sentais encore d'attaque. Tandis que le courant nous emportait, je jetai un coup d’œil à la Sorcière : elle n'avait pas l'air rassurée. Je lui souris et lui pris la main.
- Accroche-toi, si tu as peur.
Ses bras se nouèrent autour de mes épaules.
- Merci, murmura-t-elle... Lilith. Tu m'as sauvé la vie.
"Emilia. Iran. Goldwyn..." songeai-je. Je me retournai de manière à ce qu'elle me fasse face. Elle laissait un sillage rouge qui virevoltait dans l'eau derrière elle.
- Quel est ton nom, Sorcière ?
Nous étions en sécurité maintenant. La rivière nous emportait indolemment vers le nord. Il n'y aurait plus de chasseurs à craindre.
- Je m'appelle Nee'lahn, répondit la jeune femme d'une voix mal assurée. Et je ne sais pas nager.
Je lui souris. La lueur violette dans ses yeux était apeurée. Sans hésiter, je la berçai contre moi, et commençai à chanter.

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Message par Lilith Mer 25 Mar - 21:52

- Pourquoi as-tu tué cet enfant ?
Je m'attendais à ce que Nee'lahn détourne le regard, mais, au contraire, elle me fixa longuement.
- Son âme était corrompue, finit-elle par déclarer.
Je fronçai les sourcils, interloquée. La jeune femme prit une profonde inspiration.
- C'est plutôt simple. Si elle avait vécu, grandi, et était devenue adulte, elle aurait répandu le mal partout autour d'elle. Elle aurait tué, volé, pillé, mais non pas pour des raisons légitimes, mais par orgueil et plaisir de la violence. Bien sur, son père ne comprendra jamais, et il m'en voudra à vie d'avoir assassiné sa fille, mais cela vaut sans doute mieux. Il pleurera une enfant innocente et non une hors-la-loi meurtrière.
Un silence s'installa entre nous.
- Comment peux-tu le savoir ? Qu'elle allait mal tourner ?
Nee'lahn laissa son regard vagabonder vers l'horizon. Ses cheveux blonds avaient, dans le Soleil levant, de magnifiques reflets dorés. Personne n'aurait pu s'imaginer qu'elle assassinait des enfants la nuit tombée.
- Je suis une Sorcière, expliqua-t-elle. Les gens surnomment plein de Surnaturelles différentes ainsi, parfois même de simples humaines. Nous ne sommes pas toutes dotées des mêmes pouvoirs, et on ne s'en sert pas de la même manière. Mais moi, je sais cerner l'avenir des gens. Et lorsqu'il est sombre, à la manière de Mévora, et qu'aucune lumière ne me fait douter du bien-fondé de mon action, alors j'agis et j'interviens. C'est ma façon de venir en aide aux humains.
Je la regardai, songeuse. "Elle aussi, alors, a décidé de s'allier aux hommes."
- Que vois-tu dans mon avenir ? lui demandai-je, curieuse, après un long moment.
Nee'lahn me regarda, et je vis mon reflet dans ses grands yeux violets. Elle sourit.
- Tu es comme tout le monde, déclara-t-elle d'une voix légère. Ni blanche ni noire. Quant aux détails... veux-tu vraiment les savoir ?
Je fis mine de réfléchir, avant de hausser les épaules.
- Non. Je sais déjà l'essentiel.
- Ah bon ?
- Oui.
- Quoi ?
Comme je gardais le silence, elle partit d'un grand éclat de rire.
- Je vois... ce n'est pas quoi, mais qui...
Je ne répondis pas.
Mon regard se perdait vers le Soleil ardent de l'Irlande. Ses rayons de feu, réchauffant mon corps après la nuit d'hiver, faisaient fondre la glace qui enveloppait mon cœur.
Je pensais à lui...

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Message par Lilith Ven 27 Mar - 22:32

Les druides celtes nous accueillirent comme si nous avions toujours appartenu à leur peuple. Ils nous offrirent, à Nee'lahn et moi, un toit, du travail, de la compagnie, et leurs enseignements. Mon professeur, qui répondait au nom de Dwyn l'Ancien, m'apprit tout ce qu'il savait sur la communication spirituelle et l'ensorcèlement, ainsi qu'à la guérison. Il m'initia à l'alchimie, mais je ne développai jamais de réel talent pour cela.
Son fils, Hadrien, prit en charge notre formation physique. Tous les matins, avant le lever du soleil, j'affrontais Nee'lahn, appliquant du mieux possible les conseils qu'il nous donnait. Là où j'étais rapide et vivace, Nee'lahn était lente, mais là où je ne faisais que la taquiner, elle était efficace. Au fur et à mesure, je gagnai en force et en précision, et elle en agilité.
Enfin, avec Willan le Noir, j'eus mes premières véritables conversations philosophiques. Nous nous liâmes vite d'une amitié forte et fraternelle, qui fit que nous nous retrouvions, tous les soirs devant l'âtre, à discuter de tout : la vie, la mort, la puissance, l'amour, la beauté, la guerre, la nature... et chaque soir, je le quittai grandie.

Cela dura douze ans. Au début du huitième siècle de notre ère, Dwyn nous quitta. L'année suivante, Hadrien mourut d'une chute du haut d'une des innombrables falaises irlandaises, laissant derrière lui Nee'lahn enceinte de leur premier enfant. Willan, lui, resta de ce monde encore cinq ans de plus.
Ce fut à notre tour d'enseigner, de transmettre ce que nous avions appris des druides. Nous vîmes les chefs de clan se succéder, les enfants grandir, les saisons passer. Je sentais mes racines s'enfoncer chaque lune un peu plus profondément dans la terre irlandaise. Mais, en même temps, mes ailes me démangeaient de partir. La compagnie de ces humains éphémères me mit progressivement mal à l'aise. Seule Nee'lahn, autre Surnaturelle, était constante dans cette univers mouvant, mais encore, elle élevait son fils Tyrren, et grandissait avec lui.
A la première occasion, je me jurai de quitter le clan. J'en avais suffisamment appris auprès des druides du nord, il était temps de voir d'autres horizons.

les premiers qui m'offrirent cette chance furent les membres de mon clan eux-mêmes. Aux environs de l'an 750, les jeunes hommes s'organisèrent pour se lever contre la menace viking qui commençait à planer sur l'Irlande. Les rumeurs qui circulaient seraient avérées plus tard : pas moins de vingt ans plus tard, poussés par leur trop grand nombre, les vikings débarqueraient sur nos terres et mettraient l'île à feu et à sang.
Je partis avec eux, leur offrant mes talents de druidesse et d'enchanteresse. Lorsque je fis mes adieux à Nee'lahn, sans savoir que nos routes auraient de multiples occasions de se recroiser, elle comprit que je ne comptais pas revenir. Son sourire bienveillant valait tous les voeux de bonheur du monde.

Notre groupe continua vers le littoral est de l'Irlande, soupçonnant que les Vikings viendraient de là. Puis, recevant depuis la Bretagne des appels à l'aide de la part des Celtes qui y vivaient, nous traversâmes la mer et nous les rejoignirent.
Le combat contre les Vikings déchirait la Bretagne lorsque nous arrivâmes. Je perdis mon groupe lors d'un affrontement particulièrement sanglant au Nord de l'île. Celtes et Vikings combattirent trois jours durant, à armes égales, centaines contre centaines. à l'aube du troisième jour, notre armée avait été défaite, les survivants emmenés comme prisonniers. Pour leur échapper, je me fis passer pour morte parmi les cadavres de mes frères d'armes, refroidissant mon corps, et cessant simplement de respirer. Lorsque les Vikings levèrent le camp, je me relevai. Deux refuges s'offraient à moi : l'Irlande et la mer. Je refusai l'un et l'autre, et repris mon aventure à la découverte des hommes.
Mes pas se dirigèrent alors vers le Sud, là où, je le savais, quelqu'un m'attendait.

Je retournai sur le continent, devenu, depuis que je l'avais laissé en 605, la terre des chasseurs de Sorcières. Chacun était soupçonné, tous accusés, certains, innocents, était sauvagement exécutés, d'autres, véritables Sorcières, survivaient au massacre. J'allai alors chercher refuge au monastère d'où j'étais venue. Mais, lorsque je parvins au village le plus proche, on m'informa qu'il avait été fermé depuis longtemps, car on y avait senti l'odeur des Sorcières.
Les Chasseurs avaient mis le feu au monastère.
Toutes les Sœurs avaient été tuées.
Je m'y rendis sur-le-champ. Les visages de Sœur Annabelle, et de toutes les autres, qui, certes, étaient mortes depuis bien plus longtemps, mais dont la descendance avait été si sauvagement anéantie, défilaient dans mon esprit et fouettaient mon âme. Lorsque je me retrouvai devant le bâtiment en ruines, je ne pus retenir mes larmes.
Je fis le tour du monastère en serrant les poings. Ces Chasseurs méritaient la mort. Lorsque je sortis, ma décision était prise : les retrouver et les faire payer.
Mais ce furent eux qui me trouvèrent. Évidemment, une aventurière aux cheveux roux comme le feu des démons, et qui de surcroît, voyageait seule, c'était louche. Ils m'attrapèrent dans mon sommeil, à l'auberge d'un petit village alpin. Parmi les chasseurs se trouvait un Surnaturel, je le savais, qui inhibait la magie autour de lui. Je ne pus me défendre, et ils m'emmenèrent, en dépit de toute ma résistance, vers le lieu où je serais jugée. C'était un village voisin, fief de l'Inquisition, duquel jamais une des inculpées de ressortait vivante. Mon sort aurait pu se régler de cette manière... si, à la place du chef du tribunal, ne trônait pas un vieil ami.
Un ami, qui avait pris cette fonction dix ans plus tôt.
Un ami, qui avait fait tout cela uniquement au cas où.
Au cas où je parvenais jusqu'à lui, moi, en tant que Sorcière accusée.
Au cas où il y avait encore une chance, infime, qu'il puisse faire quelque chose pour moi dans ce monde hostile aux Surnaturelles.
Samaël.

Nous étions en l'an 756, exactement un siècle après notre rencontre. Il n'avait pas changé, et moi non plus.
Il me sauva, et nous nous enfuîmes ensemble. Lorsque nous nous retrouvâmes seuls et certains de ne pas être dérangés, toujours sans avoir échangé une seule parole, nous nous étreignîmes avec passion et chacun gouta, comme un siècle plus tôt, aux souvenirs de l'autre. Découvrit à quel point il avait changé. Et à quel point on s'aimait.
Notre couple dure depuis mille deux cent cinquante neuf ans et trois mois.

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