feuille de personnage

Mon dernier souvenir en tant qu’humain fut une haine violente et une extrême frustration juste avant que ma tête heurte violemment le sol après une chute vertigineuse. Le plus caustique c’est que je ne me souviens plus à qui ou à quoi cette haine et cette frustration étaient dues, pas plus que de mon ancien nom. Je me souviens qu’après cette chute il n’y eut que du noir ; Absolu, infini, froid comme la glace, brûlant comme les enfers. Je ne peux dire combien de temps j’ai passé dans les limbes. Là, alors que le noir était devenu l’unique couleur, je repérai une petite lumière, minuscule mais pourtant porteuse d’un si grand espoir, je tentai de m’en approcher, mais le noir voulut me happer et de m’emmener loin, très loin de cette lumière. Alors dans un effort surhumain de volonté je résistai, bataillant pour attraper cette lumière, unique lumière. Centimètre par centimètre, avec de plus en plus de pression, je m’en approchai et réussis à la saisir. Soudain je me réveillai et ouvrai mes yeux, fermés depuis si longtemps.

-Bonjour Wrath.

Un homme se trouvait là, en habit de mage. C’était lui qui avait parlé.

- Comment te sens-tu ?

- Où suis-je ? Qui suis-je ? Qui êtes-vous ? C’est le paradis ?

-Une chose à la fois veux-tu? Commence par répondre à ma question, ensuite je répondrai aux tiennes.

-Oui ça ne va pas trop mal … à part cette sensation d’être perdu.

- Bien, ça c’est normal. Alors pour tes questions : tu te trouves dans une ombre créée par mes soins. Qui tu es ? Je ne sais pas ce que tu étais avant mais maintenant tu es Wrath, 7ème membre des Seven Deadly Sins, une unité spéciale que j’ai créée de toutes pièces. Qui suis-je ? Le grand sorcier Karsus, ton maître et créateur. Et pour finir, non ce n’est pas le paradis mais c’est chez toi !

Juste avant ma première sortie, notre maître nous rassembla tous pour nous briefer et nous dire qu’il serait en retrait au cas-où.
Notre mission était de retrouver deux objets protégés dans un temple en Han (ancien nom de l’actuel Corée du nord). Seuls Greed, Pride et moi furent envoyés pour cette mission car elle était jugée peu dangereuse, mais la réalité fut tout autre.
Nous sortîmes par la porte de mon ombre. Elle était liée à une porte massive en acier ouvrant sur la petite cour d’un manoir.
Pride nous prit la main et nous téléporta à quelques mètres de la forteresse, elle était gigantesque et était entourée de bois verdoyant, de montagnes immenses, tant de paysages ne ressemblant à rien de ce que j’avais pu voir dans l’ombre. Mais cela ne m’intéressait pas, j’étais imperméable à toutes les beautés de la nature, mon seul but était de réussir ma mission, pour mon maître.
- Réussissez !
C’était le signal. Nous  partîmes chacun de notre côté vers l’endroit où nous devions entrer. Le mien était une faille au niveau de la base du mur nord qui avait été bouchée par un rocher, que je poussais sans trop d’effort. Je courus jusqu’au mur de la forteresse là où Pride devait ouvrir une trappe. Elle s’ouvrit,  je me propulsai à l’intérieur et je suivis le chemin indiqué jusqu’au prochain point de rendez-vous. Nous ne croisâmes bizarrement aucun garde. Nous arrivâmes devant une porte richement ornée au moment où Greed passait l’angle du couloir. Un signe. J’ouvrais la porte d’un coup de pied. Nous entrâmes en courant dans la pièce, notre but était les deux objets, au moment où nous les aurions, Pride aurait dû nous téléporter. L’atmosphère changea et Pride s’écria :
- C’est un piè…
Sans pouvoir terminer sa phrase, un poing s’abattit sur sa joue et lui fit faire un vol plané.
Les portes se refermèrent. Une, deux, non trois personnes se trouvaient dans la pièce. L’une portait une lame, une autre un bâton et la dernière des gants noirs. Greed se jeta sur l’homme le plus proche, celui à l’épée. Qui le trancha en deux. Greed sourit, cet épéiste allait avoir la surprise de sa vie. Son corps se rassembla, il frappa, ses deux bras s’envolèrent.
- Je connais tes pouvoirs, monstre ! Cette épée a le pouvoir de paralyser les créatures qu’elle tranche, dit l’homme.
Je courrai vers lui, ou plutôt je tentai. A peine eus-je bougé la jambe qu’une chaîne me plaqua au mur.
Nous nous étions fait avoir. Ces gens étaient préparés à nous recevoir.
- Ils n’étaient pas censés être deux ? demanda l’homme aux gants.
- Aucune importance. Finissons le travail !  répondit celui au bâton.
- Quelle déception, vous faire avoir comme ça ! Il ne me reste plus qu’à vous libérer et faire de nouveaux essais. C’était la voix de mon maitre.
Pour la première fois, je ressentis quelque chose. Pour la première fois, j’avais des sentiments.
-Arrêtez. Dis-je.
-On commence par qui ?
-Arrêtez ! Criai-je.
- Par la fille, elle est juste assommée.
- Arrêtez ! Hurlai-je.
- Tiens-toi tranquille, ton tour viendra, me dit l’homme au bâton en venant le coller sous mon nez.
Une flamme s’alluma en moi. Tout devint brumeux. Je fis éclater les chaînes. Mon poing s’abattit sur le visage de l’homme. Il traversa la pièce et finit par s’écraser contre le mur. En rugissant, je me ruai sur l’homme aux gants. Je lançai mon poing droit vers sa tête. Il mit son poing en face du mien. Un bruit de déchirement. Une douleur au niveau du coude, mon os ressortait à l’arrière. Aucune importance : tuer. Mon deuxième poing lui transperça l’abdomen. Je retirai mon poing.  Je fonçai sur le dernier, il se tenait prêt. Pride secoua la tête. Je lançai un coup du gauche. Mon bras s’envola. Douleur. La lame me transperça le ventre. Douleur, tuer. Douleur insoutenable, tuer ! TUER ! J’ouvris la bouche. Je fis un vif coup de tête. Une gerbe de sang jaillit de sa gorge. Un goût de métal dans la bouche, un goût de chair. Nous nous effondrâmes tous deux.
La dernière chose que j’entendis fut mon maître disant à Pride de venir me chercher.

En l’an de grâce 1725 mon maître vint tous nous chercher pour une mission qui devait être magistrale et prendre place dans la légendaire cité des Atlantes, maîtres en technomancie. Le but : voler un artefact ancien nommé le Cœur d’Atlas qui aurait le pouvoir de fusionner une ombre au monde réel. Mais ne sachant pas où elle se trouvait nous devions tous être transportés là-bas, partir à la recherche de cet artefact chacun de notre côté et tuer tous les témoins.
Pride nous a tous téléportés à l’endroit indiqué par le maître. Nous étions dans une cité architecturalement magnifique flottant en plein milieu de l’océan Atlantique, entourée d’un bouclier infranchissable qui détourait dans le ciel des arabesques entre le bleu nuit et l’azur. Au moment où je m’ouvrai à ces perceptions angéliques mes sentiments retombèrent sous le joug des barrières érigées en moi par mon maître. Nous nous séparâmes. Maître restait au niveau de la place centrale où une fontaine en cristal pur faisait couler une eau pure, pour nous servir de relais et être protégés. Je partis vers mon point de recherche, la cathédrale de Lumière, édifice gigantesque s’élevant à l’ouest du château. Je me déplaçai dans l’ombre, entrai encapuchonné dans la cathédrale et commençai à observer les moindres recoins de cette parfaite représentation des plus beaux savoirs de l’humanité en matière architecturale. Après des heures de recherche infructueuse je plongeai dans les cryptes où régnait une odeur de champignons et de moisissure. Je commençai à me balader dans ce dédale souterrain. Quand je ressortis le soleil s’apprêtait à toucher l’horizon, j’avais passé la journée à errer. A l’ instant où le soleil toucha l’horizon la cathédrale s’embrasa (voilà donc pourquoi elle portait son nom), c’était merveilleux, à tel point que je ne pus que regarder autour de moi. Un léger craquement, pas plus bruyant qu’un battement d’ailes de papillon, dans mon âme.
- Comment allez-vous, mon enfant ? me demanda un prêtre.
Je ne répondis pas, trop absorbé par ce spectacle. Normalement j’aurais dû le tuer, mais pas maintenant, pas ici. Ce fut mon premier acte de rébellion depuis le départ.
En ressortant, mon maître nous ordonna de le rejoindre. Je me dirigeai donc vers la place centrale qui était proche. En arrivant j’entendis mon sorcier de maître hurler à Pride :
- Tue-les, ils m’ont entendu !
- C’est une femme et un enfant ! répliqua Pride.
- Toi, Gula, tue-les !
Je vis un enfant et une jeune femme recroquevillés au pied d'un mur.
Gula prononça quelques paroles et lança une boule noire sur les innocents. Pride s’interposa et fit disparaître la boule.
- Comment oses-tu Pride ! s’écria le sorcier en tentant de prendre le contrôle total sur l’esprit de la femme qui lui faisait face.
- Sorcier, tes pouvoirs n’ont plus d’effet sur l’orgueil du lion et je ne m’appelle pas Pride mais Elayne !
- TUEZ-LA ! hurla mon maitre en utilisant la communication psychique.
Je ne contrôlais plus mon corps, mon maitre inhiba ma conscience en démarrant cette dangereuse flamme en moi manuellement.
Je bondis sur elle mais elle avait disparue, elle s’était téléportée.
Je me retournai. Sur le toit ! Un conflit intérieur émergea.
- Tuer ! me dit une voix.
- Non ! répondit une autre.
Je courrais à sa poursuite, elle se téléportait pour fuir.
Cette course-poursuite nous mena jusqu’au pont séparant l'île principale et une île secondaire. C’est alors qu’elle s’arrêta, se retourna et ouvrit les bras.
- Non ! me hurla une voix.
Je parcourus la distance qui nous séparait en un clin d’œil et lui transperçai le ventre d’un coup de poing.

Ma rage disparut instantanément. J’étais abasourdi.

- Pourquoi ? dis-je en un souffle.

- Je n’ai plus envie de fuir ou me cacher, je ne veux plus d’une vie de servitude. Je veux être libre.

Un craquement très léger.

- Vis ta vie Wrath, voilà qui pourra t’aider. Elle ouvrit la main et me donna sa bague, son trésor.

Une fêlure.

- Non ! dis-je.

Un autre craquement, plus marqué.

Elle me sourit avec des perles de sang bullant au niveau de la commissure de ses lèvres.
- ÐØƧއŒ×ß !  Laissa-t-elle entendre dans un dernier soupir. Je ne compris pas quelle était cette langue.
Une larme et une seule coula le long de ma joue.
Un déchirement.
- Pri… Elayne. Soufflai-je.
Une fissure.
Ses yeux se fermèrent.
Des milliers de fissures.
Je poussai un hurlement, déchirant, de toute mon âme.
Le sceau se brisa.  
J’entendis la voix du sorcier dans mon esprit.
- Elle est morte, tant mieux, c’était une erreur.
Comment osait-il, ce sale monstre !
- Je vais te tuer ! hurlai-je.

Un brasier s’alluma en moi, non, un incendie. Je ne contrôlais plus rien. Mes yeux se teintèrent d’or. Je me vis me relever d’un coup sec et m’élancer. Je vis Greed se placer en face de moi pour me barrer la route. Aucune importance ! Je le balayais d’un revers de la main, il traversa deux bâtiments. Depuis quand était-il si faible ? Je vis Envy abattre son marteau sur moi. Aucune chance ! J’abattis mon poing sur lui, il fut repoussé. Depuis quand était-il si léger ? Sloth tenta de me voler après. Trop lent ! Depuis quand était-il si lent ? Lust tenta de me maîtriser. Faible ! Gula me lança des boules d’énergie. Trop faible, bien trop faible ! Depuis quand étais-je devenu si rapide, si fort ? Des armures de défense tentèrent de m’arrêter, aucune n’arriva à me ralentir.
J’arrivai sur la place principale. Je vis ce sale rat se terrer derrière un bouclier et me lancer une gigantesque boule de feu. Je m’arrêtai instantanément et je vis mon corps se tendre à l’extrême, mobilisant chacun de mes muscles. Juste avant que la boule ne m’atteigne, je bondis, m’envolai. J’atteint le bouclier entourant la ville, qui se déformât sous l'impact mais ne céda pas. Je vis mon corps se tendre encore une fois. Je me propulsai à une vitesse incroyable vers mon ennemi, et donnai une grande droite. A l’impact le sol explosa.
Fumée, bruit de débris, noir. Ce que je vis c’était mon ennemi embroché sur un magnifique cristal pourpre.
- Tu es parfait ! j’ai réussi ! dit-il en me regardant.
Un accès de rage. Je lui lançai mon poing gauche en pleine tête. Sa tête, éclatée, et le cristal censé être indestructible, aussi. Une explosion violente, pourpre. Plus rien.